L’hydrogène, l’énergie de demain ?
- Sophie Vanel
- 23 sept. 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 avr. 2022
Nos choix d’aujourd’hui sont décisifs pour l’avenir de l’humanité. Le choix de la filière hydrogène comme nouvelle source d’énergie non polluante est-il justifié ? Combiné à l’oxygène atmosphérique, ce gaz libère une quantité très importante d’énergie et son utilisation ne rejette pas de dioxyde de carbone, responsable de l’effet de serre. Cependant, la production de ce gaz reste encore un véritable défi à l’heure actuelle.
L’hydrogène face à l’urgence climatique
Selon les estimations du GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat), les activités humaines ont provoqué un réchauffement planétaire d’environ 1 °C audessus des niveaux préindustriels. Il est probable que le réchauffement planétaire atteindra 1,5 °C entre 2030 et 2052 s’il continue d’augmenter au rythme actuel. Les prochaines décennies seront donc décisives dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. Pour faire face à ce défi, l’objectif européen de neutralité carbone à l’horizon 2050 oblige les pays à se tourner vers des sources d’énergies non polluantes. L’hydrogène semble être un candidat intéressant. En France, en septembre 2020, le gouvernement a d’ailleurs signé un chèque de sept milliards d’euros pour son plan hydrogène. L’utilisation de ce vecteur énergétique ne libère pas de dioxyde de carbone (CO2), seulement de la vapeur d’eau. Il produit beaucoup d’énergie et constitue un moyen de stockage d’énergie durable. Il pourrait être une source d’énergie non polluante pour les transports et l’industrie. De plus, c’est l’élément le plus abondant dans l’Univers, associé très souvent à des éléments chimiques comme l’oxygène (notamment dans l’eau) et le carbone (présent dans les hydrocarbures et la biomasse). Hélas, dans la nature il n’existe quasiment pas de dihydrogène pur, il faut donc le produire à partir d’une source.
Une production encore trop polluante
Aujourd’hui, 96 % des 74 millions de tonnes de dihydrogène obtenues annuellement sont issues de la transformation d’énergies carbonées et notamment du gaz naturel. Pour isoler l’hydrogène en France, on injecte généralement du méthane dans un four avec de l’eau. La chaleur provoque la cassure des liaisons des molécules d’hydrogène et de carbone et produit du dihydrogène et du CO2. Le reformage du méthane rejette donc une quantité importante de gaz à effet de serre. Un autre procédé, l’électrolyse, consiste à casser les liaisons chimiques de la molécule d’eau (H2O), grâce à un courant électrique pour obtenir du dihydrogène. Un problème de taille se pose cependant, puisque ce processus est vorace en énergie électrique, la plupart du temps fournie par le réseau. Le stockage du dihydrogène obtenu est également problématique. Bien qu’il ait une masse très faible en tant que gaz, il est très volatile et prend beaucoup de place. Il faut donc le compresser ou le liquéfier. Ce processus demande beaucoup d’énergie puisqu’il faut refroidir le dihydrogène à -253 degrés.
Hydrogène vert, sur la piste de l’énergie 100% propre ?
Pour que la production d’hydrogène soit moins énergivore, l’électricité consommée doit être produite grâce à des énergies renouvelables. C’est ce que fait notamment Energy Observer. Ce navire à hydrogène mis à l'eau en avril 2017, effectue un tour du monde en autonomie énergétique, sans émissions de gaz à effet de serre, ni de particules fines. Pour cela, le bateau dispose de panneaux solaires, produisant de l’électricité, qui permet l’électrolyse de l’eau et donc la production de dihydrogène à partir d’eau de mer. L’hydrogène, appelé alors hydrogène vert, est stocké sous forme de gaz et utilisé lorsque les panneaux solaires ne produisent pas d’électricité, la nuit par exemple. Avec l’hydrogène on peut donc stocker le surplus d’électricité produit par des énergies renouvelables. Cependant, à l’échelle mondiale, éoliennes et panneaux solaires sont généralement peu respectueux de l’environnement et du travail humain. La fabrication d’une éolienne nécessite par exemple 400kg de néodyme, une terre rare extraite en Chine en utilisant des solvants toxiques, provoquant des ravages sur la faune, la flore et les eaux. Isabelle Moretti, membre de l’Académie des technologies et spécialiste de l’hydrogène tient à rajouter que le cas d’Energy Observer ne peut pas être généralisé à toute la consommation énergétique de la planète : C’est un bateau qui n’a pas besoin de beaucoup d’énergie. Ces petites expériences, comme solar impulse, c’est bien pour convaincre qu’on peut faire des choses avec ces énergies mais ce ne se sont pas des solutions techniques qu’on peut dupliquer à grandes échelles. » La découverte d’émanations naturelles d’hydrogène dans le sous-sol en divers endroits du monde pourrait toutefois changer la donne et l’amener à jouer un rôle central dans la transition énergétique. Isabelle Moretti nous explique comment se forment ces poches de gaz à terre : « On a découvert « les puits de sorcières » au-dessus de cratères très anciens, formés à une période géologique où il n’y avait pas trop voire pas du tout d’oxygène dans l’atmosphère ni dans les océans. Les roches plus anciennes ont de grandes chances de ne pas avoir été oxydées et donc de pouvoir libérer beaucoup d’hydrogène au contact de l’eau de mer ou de pluie ». Il existerait ainsi un nombre non négligeable de zones connues propices à la formation d’hydrogène naturel comme la Russies les USA et le Canada mais aussi les Hautes Pyrénées. Malheureusement, l’exploration de ces poches est encore balbutiante, faute d’investisseurs. « Pour tout ce qui est ressource naturel, il faut un permis pour pouvoir l’exploiter. Or actuellement dans la plupart des pays au monde l’hydrogène naturel n’est même pas encore considéré comme une ressource. » nous confie la spécialiste de l’hydrogène. En attendant l’essor du dihydrogène naturel et le développement de l’hydrogène vert, la solution la plus simple reste encore de favoriser la réduction de la consommation énergétique globale.
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