La désinformation scientifique à la loupe
- Sophie Vanel
- 23 sept. 2021
- 4 min de lecture
La crise du SARS-CoV-2 a provoqué une pandémie de désinformation scientifique sur les réseaux sociaux et les médias. Les débats polémiques autour des traitements contre le virus ont mise à mal la confiance du grand public vis-à-vis de la communauté scientifique. Les hypothèses non prouvées, les opinions et les faits scientifiques établies ont été brassés sans permettre aux français de pouvoir démêler le vrai du faux. Cette situation est à l’origine d’une forte hésitation vaccinale dans le pays de Pasteur. Dans ce contexte, lutter contre la désinformation devient une priorité.
Le fléau de la désinformation
Utiliser les médias pour diffuser une information fausse susceptible de tromper ou d'influencer l'opinion publique, ce procédé n’est autre que de la désinformation. Les informations scientifiques n’échappent pas à cette manipulation, bien au contraire. Depuis le début de la pandémie du SARS-CoV-2, l’actualité s’est résumée en un flot continue d’informations confuses, difficiles à décrypter pour le grand public. Les réseaux sociaux, supports préférés de 62% des français pour s’informer sur l’actualité, d’après un sondage du groupe BVA, ont largement participé à l’accentuation des craintes et questionnements liés à cette crise sanitaire. Certaines personnes ont ainsi profité de la popularité de ces réseaux pour répandre de fausses informations, communément appelées fake news, n’hésitant pas à contredire les faits scientifiques. Pour Mahama Tawat, chercheur à l’IRESCO (Institut de recherche, de développement socio-économique et de communication) au Cameroun, le constat est inquiétant : « Les fake news se répandent comme une trainée de poudre, bien plus rapidement que les vraies informations car elles sont souvent porteuses de messages inquiétants ». C’est le cas notamment pour les différents vaccins mis sur le marché pour lutter contre la Covid-19, qui ont fait l’objet de toutes les spéculations. Certains internautes, comme le youtubeur Thierry Casasnovas, ont par exemple avancé que Moderna, le vaccin à ARN messager, pouvait modifier notre ADN. Le vidéaste français, qui n’a pourtant aucune formation scientifique, a ainsi influencé près de 500 000 internautes qui le suivent régulièrement, participant à l’hésitation vaccinale. D’autres personnalités, pourtant qualifiées comme le docteur Louis Fouché, anesthésiste réanimateur de l’AP-HM (Assistance

Publique, Hôpitaux de Marseille), n’hésitent pas à affirmer sur les réseaux sociaux que le vaccin « ne marchera jamais » à cause des multiples variants du virus. Pourtant, à l’heure actuelle, aucune étude ne prouve que les mutations du virus puissent compromettre la vaccination. Pour le chercheur qui étudie les origines, les canaux de diffusion et l’impact sociopolitique des fake news sur les campagnes de vaccination contre la pandémie de Covid-19 : « Cette désinformation scientifique rencontre un triste succès en France car ces antivaccins apportent une réponse différente de celle qui est portée par les institutions, pour lesquelles une grande partie de la population ne fait plus confiance. »
La communauté scientifique a sa part de responsabilité
Le rôle des scientifiques dans la lutte contre la désinformation scientifique est crucial. Les chercheurs se basent sur des preuves, à l’inverse de nombreux internautes. Mais bien que les scientifiques soient censés représenter la vérité en se basant sur des faits avérés, il arrive que, de manière intentionnelle ou non, ils contribuent à ces problèmes de fake news. Il y a par exemple régulièrement de nombreux désaccords au sein de la communauté scientifique. Certains sujets ne font pas forcément consensus. Les désaccords ultra médiatisés concernant l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour lutter contre le SARS-CoV-2, défendu par le médecin français Didier Raoult, contrairement à la majorité de ses pairs, ont pu être utilisés par certains détracteurs de la science pour légitimer la méfiance vis-à-vis du monde scientifique. Pourtant le monde est complexe et généralement, comme nous l’explique Mahawa Tawat : « dans des situations urgentes et inédites, le temps de la preuve scientifique est plus long que le temps de l’information. » Par exemple en 1998, le journal « The Lancet » a publié un article qui faisait le lien entre la rougeole et l’autisme. Or cet article s’est avéré faux et a été retiré du journal. Malheureusement, la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre et il y existe encore aujourd’hui une forte hésitation vaccinale concernant la rougeole. De plus, dans le cas du covid, le manque de solutions thérapeutiques immédiates a forcé les autorités publiques à appliquer des méthodes assez archaïques comme le port du masque et la distanciation sociale. Ces méthodes ont eu pour conséquence de camoufler la science et de mettre en doute sa robustesse.
Des boucliers contre la désinformation
La période Covid a révélé la force des détracteurs de la science et leur puissance de nuisance. Les politiques publiques ont décidé de mettre en place des mesures censées freiner ce phénomène. Récemment, le ministère de l’Enseignement supérieur a lancé sa propre plateforme de lutte contre les fake news avec " La parole à la science. Démêlez le vrai du faux ". Il est également très important de faire en sorte que le grand public comprenne bien les enjeux et la démarche de la science. Dans cet optique, le ministère de la Culture lance un appel à projets national pour développer l’esprit critique face à la désinformation scientifique. Le grand public doit réaliser que la vérité scientifique se remet perpétuellement en cause et qu’il est normal qu’il y ai des débats au sein de cette communauté. Il faut également s’intéresser à la question de la visibilité des contenus. Les GAFA en concertation avec les politiques, ont assurément un rôle à jouer sur ce sujet.



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